8 DÉCEMBRE 1980, ASSASSINAT DE JOHN LENNON

8 DÉCEMBRE 1980, ASSASSINAT DE JOHN LENNON

7 décembre 2019 11 Par Génération Beatles

Il y a 39 ans, alors qu’il avait fêté un mois plus tôt ses quarante ans, John Lennon était assassiné à New York, devant le Dakota Building où il résidait. Retour sur cette journée et cet événement qui a touché la planète musique, et sans doute la planète tout court.

En fin d’après-midi de ce 8 décembre 1980, John Lennon et Yoko Ono quittent l’immeuble du Dakota, l’un des plus luxueux de New York, qui fait face à Central Park et où résidèrent notamment l’actrice Lauren Bacall, le compositeur et chef d’orchestre Leonard Bernstein, ou le danseur et chorégraphe Rudolf Noureev. John et Yoko avaient investi dans un premier puis un second appartement où ils coulaient une vie plutôt apaisée et familiale. Après une parenthèse de cinq ans, John avait décidé de travailler sur un nouvel album qui venait de sortir sous le nom de Double Fantasy. Ce 8 décembre, ils laissent donc leur fils Sean quelques heures pour aller enregistrer une nouvelle chanson de Yoko destinée à leur futur album Milk and Honey.

Le Dakota Building à New York qui fait face à Central Park

Dans la matinée, la photographe Annie Leibovitz, envoyée par le magazine Rolling Stones est venue faire des photos. Elle a obtenu de John qu’il se dénude, mais pas de Yoko. La photo sera célèbre. On y voit John en position fœtale, comme accroché à Yoko, qu’il appelle d’ailleurs Mother. La photo doit faire la Une du magazine et John y voit une manière de relancer les ventes plutôt molles de Double Fantasy ; l’époque où les fans se ruaient sur les disques des Beatles est passée. Les critiques sont pour le moins mitigées, la plupart s’accordant sur le fait que les morceaux de Yoko sont trop loin de la qualité de ceux de John. C’est une litote. En effet, l’ex-Beatle aligne entre autres : Woman, Just like Starting Over, I’m Loosing you, Beautiful Boy, ou Dear Yoko.

Double Fantasy : Lennon avait exigé que la moitié des titres soient de Yoko Ono

Un échange avec Mark Chapman

En sortant de l’immeuble, comme à l’accoutumé des fans sont là et demandent des autographes. John s’est fait une règle d’être gentil et signe l’album Double Fantasy que lui tend un certain Mark David Chapman, 25 ans, un garçon déséquilibré et instable, ayant tâté du LSD, investi un temps dans une organisation caritative, puis devenu gardien de nuit. Une photo prise par un fan immortalisera cette première rencontre au cours de laquelle John lui demandera : « C’est tout ce que tu voulais ? » Pris de cours, Chapman acquiesce et semble tétanisé par la gentillesse de John qui lui retourne un sourire simple et chaleureux, puis monte dans la voiture envoyée par le studio d’enregistrement.

Quelques heures de travail plus tard, John, plutôt que d’aller dîner directement à l’extérieur, veut aller embrasser Sean. Avec Yoko ils arrivent devant le Dakota un peu avant 23 heures. Plutôt que de rentrer la limousine dans la cour intérieure, plus sécurisée, et sachant qu’ils vont repartir dans quelques minutes, ils en descendent au niveau de la 72ème Rue dont le Dakota fait l’angle avec la Central Park West.

Cinq coups de feu

Yoko passe sous l’arche suivie par John. Mark Chapman est là et lui tire cinq balles dans le dos dont quatre atteindront John qui tombe. Il aurait prononcé les mots « I’m shot », ce que conteste Yoko. Le concierge couvre le corps, retire les lunettes, et appelle la police. Les policiers de la première voiture appréhendent Chapman qui a retiré son manteau, s’est mis au sol et a éloigné son arme, décidé à n’opposer aucune résistance à son arrestation. Il a sorti de sa poche « L’Attrape-cœur » de J.D. Salinger qu’il lit tranquillement. La seconde voiture de police arrivée quelques courtes minutes plus tard, installe le corps de John à l’arrière et fonce sirène hurlante vers le Roosevelt Hospital (ne le cherchez pas, il est devenu il y a quelques années le Mount Sinaï Hospital). Arrivé à l’hôpital, John est pris en charge, mais n’a plus de pouls, ne respire plus et a perdu plus de 80% de son sang. L’un des musiciens les plus créatifs de sa génération est déclaré mort vers 23h15.

« Tu verras, je me ferai tuer par un fan »

Le biographe de John, Philip Norman rapporte que le week-end précédent, Mark Chapman avait pris des photos de John et qu’un échange plutôt agressif avait eu lieu. Il avait alors dit à Yoko : « Tu verras, je me ferais tuer par un fan ». Plus tard Chapman racontera qu’il avait pris la décision de tuer Lennon, considérant qu’avec son mode de vie luxueux, il avait trahi les idéaux auxquels lui-même avait adhéré.

La réaction de Paul

Le monde entier attendait la réaction de Paul McCartney qui était en Angleterre. Ils s’étaient réconciliés avec John depuis quelques années. Paul et lui avaient même participé à une « jam session » en compagnie de Stevie Wonder et Harry Nilsson en mars 1974 et ils se téléphonaient de temps à autre.

Linda McCartney raconte qu’au matin du 9 décembre, alors qu’il est minuit à New York, Paul a reçu un coup de téléphone pendant qu’elle allait déposer les enfants à l’école. Philip Norman, nous rapporte la réaction de Linda à son retour : « Dès que j’ai vu sa tête, j’ai su qu’il était arrivé un drame. Je ne l’avais jamais vu dans cet état. Désespéré […] et ses larmes ». Paul et les musiciens avec qui il travaille au studio de George Martin, le producteur historique des Beatles, décident de ne pas abandonner la séance prévue. Les journalistes et les caméras l’attendent à la sortie du studio. Pris de cours, Paul balbutie quelques mots « Un malheur, n’est-ce pas ? ». Plus tard, Paul déclarera être nul en chagrin public (voir le post sur la mort de George Harrison). L’osmose entre les deux créateurs avait été aussi forte que leur séparation avait été nette. Passé le temps des invectives, celui de l’amitié était revenu avec les incroyables souvenirs des années et de l’aventure communes. Il n’est qu’à entendre Paul, lorsqu’on lui demande s’il a pardonné à Mark Chapman qui, condamné à un minimum de 20 ans de prison demande régulièrement sa libération comme la loi l’y autorise (et qui lui est toujours refusée) : « C’est le geste d’un connard fini. Ce qu’il a fait est impardonnable. Il a commis un acte de folie, un acte irréversible. Pourquoi devrais-je lui pardonner ? ». Dans cette interview à Rolling Stones au moment de sa sortie de son excellent album, NEW, Paul raconte qu’il ressent toujours la présence de John et que lorsqu’il doute, il imagine ce que John lui dirait « Tu ne peux pas faire ça, et je lui réponds, ouais, tu as raison… Je recommence et il me dit : oui, là c’est bien».

Ringo s’occupe de Sean et George écrit une chanson

Quand il apprend la nouvelle, Ringo Starr est en vacances aux Bahamas avec sa femme. Il saute dans le premier avion pour New York et se rend au Dakota. Mu par son habituelle gentillesse, il demande à Yoko ce qu’il peut faire. « Joue avec Sean », lui répond-elle. « Et, c’est ce qu’on a fait » racontera-t-il plus tard.

George Harrison est tétanisé lorsqu’il apprend la nouvelle. Comme John, il redoutait de se faire assassiner par un déséquilibré. C’est d’ailleurs ce qui faillit arriver à George en 1999, lorsqu’un dément pénètre en pleine nuit dans sa propriété de Friar Park, à une quarantaine de kilomètre de Londres. L’homme est armé, une bagarre très violente s’ensuit, George est poignardé et ne doit sa vie qu’au courage de sa femme qui réussit à assommer le visiteur. Heureusement, la blessure n’est pas mortelle et c’est d’un cancer que George décédera deux ans plus tard (voir l’article sur la disparition de George). La réaction de George à la mort de John sera aussitôt de prendre des gardes du corps. Cinq mois plus tard, en mai 1981, il sortira All Those Years Ago, réunissant Ringo à la batterie, Paul et Linda McCartney aux chœurs. La chanson s’adresse directement à John : « Tu montres le chemin de la vérité quand tu dis : All you need is love ».

Cinq mois après la mort de John, George, Ringo et Paul interprètent une chanson qui figure sur l’album « Somewhere in England »

Très récemment, le 25 octobre 2019, Ringo Starr dans son dernier album What’s my Name reprend Grow Old With Me, le titre écrit par Lennon et qui figure dans son album posthume Milk and Honey. Comme un amical passage obligé, il demande à Paul de venir s’acquitter de la partition de basse et des chœurs. Jack Douglas, le producteur de Double Fantasy sera à la manœuvre pour l’enregistrement de cette chanson.

Sorti fin octobre 2019, le dernier album de Ringo

Des hommages inoubliables

Le 10 décembre 1980, John sera incinéré au cimetière Ferncliff de New York. Quelques jours après, le 14 décembre, des millions de fans à travers le monde font, à la demande de Yoko Ono, dix minutes de silence. Les ventes de Double Fantasy sont relancées et passent en tête des classements en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. L’album Milk and Honey, sur lequel John et Yoko avaient commencé à travailler sera édité en 1984, après que Yoko se soit brouillée avec la maison de disque initiale, et rencontrera un succès critique mitigé, mais atteindra tout de même la 3ème place des charts britanniques.

Depuis, les hommages se sont multipliés. Ses amis musiciens ont souvent repris ses compositions (le seul Imagine sera notamment repris par Ray Charles, Stevie Wonder, Diana Ross, Etta James, Herbie Hancock…)  D’autres lui ont consacré des chansons : Elton John nous a légué un bel Empty Garden, Oasis un hommage appuyé dans I’m outta time. Pour les artistes français nous avons déjà évoqué Vanessa Paradis et son « Scarabée «  (Voir « Les chansons qui font référence aux Beatles »)

Au fil des années fleurissent des monuments, des statues à son effigie, notons celle de La Havane, où John est assis sur un banc et semble attendre votre venue. Citons aussi l’aéroport de Liverpool rebaptisé Aéroport John Lennon, et les mots tirés d’Imagine sont devenus sa devise : « Above us only sky ».

DR John Lennon Liverpool Airport

… et la France ?

Wikipedia nous apprend qu’en France quelques municipalités ont attribué à des rues le nom de John Lennon : à Montigny les Cormeilles dans le Val d’Oise, à Montigny le Bretonneux dans les Yvelines et à Avrillé, dans le Maine-et-Loire. Une suggestion à l’approche des élections municipales françaises : les candidats pourraient proposer, une fois élus, de donner le nom de John Lennon à des rues ou des équipements publics, en hommage à ce musicien de génie qui avec ses comparses Paul McCartney, George Harrison et Ringo Starr, a enthousiasmé des générations (et continue à le faire) par son talent, sa créativité, son sens de l’humour, ses facéties et ses innombrables appels à la paix.

A Central Park, en face du Dakota, l’auteur de GenerationBeatles.blog s’associe à l’hommage à l’auteur de Strawberry Fields Forever

Post-scriptum: je reviendrai bientôt sur d’autres hommages musicaux à John Lennon, et notamment ceux de Paul McCartney, Bob Dylan, Queen et Cranberries