CINQUANTIÈME ANNIVERSAIRE DE LA SÉPARATION DES BEATLES, QUE PENSER DU CLASSEMENT DE LEURS CHANSONS PAR LE POINT ?

CINQUANTIÈME ANNIVERSAIRE DE LA SÉPARATION DES BEATLES, QUE PENSER DU CLASSEMENT DE LEURS CHANSONS PAR LE POINT ?

10 avril 2020 0 Par Génération Beatles

Le 10 avril 1970, il y a cinquante ans, Paul McCartney annonçait par un bref communiqué la séparation des Beatles. Même si le dernier coup de batterie et le dernier trio de guitares avaient été donnés en août 1969, pour l’enregistrement de la chanson The End, qui clôt (presque) l’album Abbey Road, l’annonce fut pour tous les fans un grand moment de tristesse. Ce cinquantième anniversaire a été l’occasion pour le magazine Le Point de publier un classement des « 238 » chansons des Beatles qui fit couler immédiatement de l’encre dans les stylos de plumes célèbres et connaisseuses

Même si elle avait été actée dès l’automne précédent, les Beatles et leur entourage avaient décidé de ne pas ébruiter la nouvelle de leur séparation. Ce 10 avril 1970, c’est donc un un choc pour leurs fans. Thierry Ardisson raconte avoir dit à Giscard quelques années plus tard : « Votre départ de l’Elysée est la nouvelle la plus triste depuis la séparation des Beatles ». Une carrière publique aussi brève (1962-1969), une influence aussi forte sur les générations qui leur ont succédé et des dizaines de chansons connues dans le monde entier autorisaient-elles à se livrer à ce classement ? Rendons hommage aux trois journalistes du Point, Florent Barraco, Thomas Bourgeois-Muller et Thomas Mahler de s’être confronté à pareil challenge. On se demande même comment ils ont pu tomber d’accord entre eux (tirage au sort, notation de chaque morceau et établissement d’une moyenne…) la méthode nous intéresse, mais un peu seulement.

Thierry Ardisson et Yves Bigot réagissent au classement des chansons des Beatles par les journalistes du Point. Un crime de lèse-Beatles? Ne rater ni le classement en ligne ni les commentaires de ces deux parfaits connaisseurs des Beatles

En ces temps de confinement où l’ennui guette, le jeu peut amuser. Mais, comme à tous les fans un peu puristes, ce classement parait inutile, impossible et pourrait s’apparenter à un crime de lèse-Beatles. Aussitôt interrogé par mon entourage, je livre ma réaction, après avoir parcouru le-dit classement.

Outre le principe même de ce classement que l’on pourrait admettre lorsqu’il s’agit des quelques chansons qu’on a pas oubliées de Claude François, pour prendre l’exemple d’un de leur contemporain (et sans m’y intéresser vraiment), j’ai tout de même quelques désaccords, à commencer par les 238 titres retenus pour l’établissement de ce classement.

211 ou 238 titres

A mes yeux, la discographie des Beatles comporte 211 titres, présentés et disséqués dans l’excellent « Les Beatles, la totale ». Les albums et les singles, tout y est.

Jean-Michel Guesdon et Philippe Margotin ont publié aux Editions du Chêne/EPA cet incontournable et très beau livre qui fait référence

D’ailleurs de l’aveu même des auteurs du classement du Point, la plupart des chansons parues dans les albums « posthumes » Anthology (1, 2 et 3) laissent à penser qu’on a un peu raclé les fonds de tiroirs. Pour ne pas démolir ces albums posthumes, précisons que tous les enregistrements de travail, les « demos » et notamment celles de l’Album blanc, les Esher demos, du nom de la propriété de George Harrison, ont le mérite de montrer à la fois l’inspiration, les fulgurances (des versions quasi définitives de Blackbird de Paul ou de Julia de John), puis l’immense travail et le cheminement créatif en studio, pour arriver à l’album définitif, avec l’aide et l’apport de George Martin, leur producteur qui aura bien mérité le titre de cinquième Beatles. Donc oui à Anthology, mais non à l’intégration dans ce classement des bouts de chansons non abouties.

Dans le même ordre d’idées, fallait-il aller chercher des enregistrements de chansons qui n’étaient pas des Beatles, mais qu’ils ont interprétés à leurs débuts et notamment à Hambourg où ils jouaient dans des clubs, jusqu’à six heures d’affilée. Il est vrai que John Lennon proclamait : « Nous sommes nés à Liverpool, mais nous avons grandi à Hambourg ». Ces titres qu’on retrouve sur les premiers albums ou sur les innombrables compilations, appartiennent-ils à l’héritage Beatles. On y entend des interprètes de qualité, mais une chanson des Beatles est… écrite par les Beatles. On peut être d’un avis divergent bien sûr, les commentaires en fin d’articles sont là pour cela.

Des débuts avec des auteurs compositeurs extérieurs

Après la sortie d’un premier single, Love Me Do et P.S. I Love You, puis d’un second qui accueille Please Please Me et Ask Me Why, qui font des entrées fracassantes dans les classements des ventes, George Martin leur fait enregistrer sans tarder un premier album. Ce sera Please Please me, quatorze chansons, enregistrées en une journée, les Beatles sont déjà des bêtes de studio. Ce rappel pour dire que sur ces quatorze chansons, huit seulement sont des Beatles.

Un exemple. Boys (219ème place du classement) figure dans la liste des 211 chanson de Guesdon et Margotin, soit. Mais nos amis du Point confessent n’avoir pas grand-chose à raconter sur cette chanson, alors que grâce aux auteurs des « 211 », on apprend que Dixon et Farell, auteurs compositeur de Boys ont beaucoup écrit pour Elvis Presley. Et que cette version chantée par Ringo est devenue un titre très dynamique avec un solo d’un George Harrison qui commence à révéler son talent.

Thierry Ardisson et Yves Bigot réagissent

Un classement est un classement, avec ce qu’il a de subjectif. Mais Thierry Ardisson que les journalistes du Point appellent à réagir, refuse de classer les chansons des Beatles, « Ne me demandez pas de choisir entre mon père et ma mère ».  L’animateur des soirées et des nuits de la télé qui connait ses Beatles par cœur, livrera son analyse sur le classement lui-même, en se gardant bien d’établir un hit-parade et en rappelant les influences de titres injustement mal classés.

Un autre parfait connaisseur des Beatles, Yves Bigot (retrouvez quelques infos sur son livre culte « Plus célèbres que le Christ » dans la rubrique Help du blog), reproche aux auteurs du classement, trentenaires, d’avoir sur-notés les disques plus récents, Abbey Road en tête. Et que des titres plus difficiles nécessitaient d’avoir été expérimentés en temps réel, découverts au moment de leur sortie.

Je diverge un peu sur l’hypothèse d’une sur-évaluation des récents albums qu’il faudrait attribuer à la jeunesse des journalistes du Point. Si une bonne partie des titres des derniers albums sont évidemment très bien classés, cela tient plutôt au fait qu’avec Sergent Pepper’s, l’Album Blanc, Let it Be (dans une moindre mesure) et Abbey Road, les Beatles ont atteint un sommet musical, une osmose créatrice. Et au bout de leur jeu collectif, leur route ensemble s’arrêtait là, il leur fallait respirer.

La séparation : être les Beatles, c’est incandescent, ça brûle

On le sait, la séparation des amis qui finirent par se retrouver quelques années plus tard, avait de multiples causes : divergences musicales, problème de leadership, de management et de manager, il était temps que les quatre potes de Liverpool continuent en solitaires après avoir ouvert collectivement des multiples voies qui allaient influencer la musique des générations suivantes.

La leçon de ce cinquantième anniversaire, c’est qu’on ne peut pas être les Beatles pendant des décennies, c’est incandescent, ça brule, ça épuise. Au moment de leur séparation, McCartney avait moins de 28 ans, Lennon pas encore trente. Et comme George et Ringo, ils avaient encore beaucoup à faire, mais séparément.

Et nous, nous pouvons écouter toutes leurs chansons, ou se délecter de nos préférées, qui racontent leur récit et celui d’une époque, et qui content aussi nos propres histoires, celles des générations Beatles.