CE QUE LITTLE RICHARD A APPORTE AUX BEATLES
Ce 9 mai 2020, Little Richard disparaissait à l’âge de 87 ans. Celui que l’on considère, avec Chuck Berry, Elvis Presley, Gene Vincent et quelques autres, comme l’un des fondateurs du rock’n’roll faisait l’objet de l’admiration des Beatles et particulièrement de McCartney. Il les côtoiera en 1962 à Liverpool
Il n’est qu’à lire le tweet de Paul McCartney à l’annonce du décès de Little Richard pour mesurer sa place dans l’histoire du rock : « De Tutti Frutti à Good Golly, de Miss Molly à Lucille, Little Richard est venu en hurlant dans la vie quand j’étais un teenager. Beaucoup de ce que j’ai fait, je le dois à Little Richard et à son style. Et il le savait : il aurait pu dire ‘J’ai enseigné à Paul tout ce qu’il sait’.
Ce pianiste, musicien, chanteur, compositeur et auteur (poète, ajoutera Paul McCartney), Richard Wayne Penniman de son vrai nom, avait fait ses premières armes, comme beaucoup de musiciens noirs américains, en chantant du gospel dans les fêtes et églises de sa Géorgie natale. Son homosexualité et le rejet par sa famille lui avait fait quitter très tôt sa fratrie de douze enfants.
A l’âge de 22 ans RCA lui signe un contrat. En 1955 il enregistre Tutti Frutti, qui devient un succès mondial. Suivront de nombreux titres rock dont Long Tall Sally, Jenny Jenny ou Lucille, pour ne citer qu’eux. Son cri aigu avant le début d’un solo « qui faisait dresser les cheveux sur la tête » dira Lennon, comme l’énergie de sa voix stupéfiaient.
Son look audacieux (costumes, maquillages, combinés à une coiffure délirante et une élégante fine moustache) apportera un vent de liberté et de créativité à la naissante planète rock où les costumes étriqués de chanteurs bien peignés et gominés alternaient avec les jeans et blousons de cuir.
John partagé entre Elvis Presley et Little Richard
Sa disparition est l’occasion pour GenerationBeatles de revenir sur ses liens avec les Beatles. Little Richard avait joué à Hambourg, lorsque les Beatles y faisaient leurs premières armes, mais il ne semble pas qu’ils se soient rencontrés à cette époque. Un autre tweet de Paul à l’occasion de son décès est ambigu. Mais pour confirmer cette proximité artistique, on se souviendra que les Beatles ont rencontré Billy Preston, magnifique pianiste et organiste qui jouait alors avec Little Richard à Hambourg et qui rejoignit les Beatles pour les séances Let It Be en 1969.
Paul McCartney a toujours affirmé que ses premières écoutes de Little Richard l’avaient enthousiasmé. John n’était pas en reste. Philip Norman rapporte dans sa biographie John Lennon, une vie que découvrant Little Richard, John s’est senti partagé : « Dans ma vie, Elvis était plus qu’une religion… je ne voulais pas quitter Elvis ».
Plus tard, en 1973, Lennon, apaisé, déclarera à propos de Little Richard : « Je l’aime toujours, c’est l’un des plus grands. »
La rencontre à Liverpool: « Sans les avoir vus, j’aurai pensé à des musiciens noirs bien de chez nous«
En octobre 1962, alors que les Beatles commencent à avoir une petite notoriété à Liverpool et viennent de sortir leur premier single (Love, Love me Do en face A et P.S. I love You en face B). Grâce à l’habileté de leur génial découvreur et manager Brian Epstein, qui organise un concert de Little Richard à Liverpool, ils sont à l’affiche aux côtés du célèbre rockeur américain. Ce dernier est un peu revenu du sérieux virage religieux qu’il avait amorcé, interrompant sa carrière pendant presque deux ans pour un passage au séminaire. « Il lisait la Bible à haute voix en coulisses » balancera John. Il a abandonné son maquillage, comme les boucles rebelles de sa coiffure toute en hauteur et porte des costumes plus classiques. Les Beatles jouent, mais n’arrivent pas à se faire photographier avec leur idole. Heureusement le succès du concert a été tel, qu’une nouvelle date est prévue. Cette fois-ci les Beatles ne vont pas rater leur coup et la photo apportera la preuve, utile à cette époque, qu’ils jouent dans la cour des plus grands.
Little Richard se montrera rapidement admiratif du travail des Beatles : « Je n’avais encore jamais entendu un son pareil de la part de musiciens anglais. Franchement, si je ne les avais pas vu de mes propres yeux, j’aurais pensé que c’étaient des musiciens noirs bien de chez nous« .
Les titres de Little Richard repris par les Beatles
Un peu plus tard, en 1964, les Beatles enregistrent un medley (déjà… voir Abbey Road) composé de deux thèmes, deux classiques du rock : Kansas City et Hey, Hey, Hey de Little Richard. Paul chante et avoue ses difficultés à retrouver les intonations de Little Richard. Encouragé par John, deux prises suffiront finalement et le titre sera incorporé à l’album Beatles For Sale qui sort en décembre 1964.
Quelques mois plus tôt les Beatles avaient enregistré un classique de Little Richard, Long Tall Sally, qu’ils jouent depuis 1957. Les auteurs des « Beatles, la totale« , ouvrage présenté dans notre rubrique Help, rapportent que Paul avait interprété ce titre au piano lors de leur rencontre fondatrice avec John le 6 juillet 1957, à l’issue de laquelle il intègrera les Quarrymen, le groupe de Lennon. Dans ce titre qui paraîtra en single en juin 1964, Paul est à la voix, John et George assurent les deux solos de guitare et les spécialistes s’accordent à dire que Ringo Starr livre la meilleure partie de batterie jouée jusque-là sur ce morceau. Leur producteur George Martin se met au piano.
Une autre qualité des Beatles, reconnaître, adopter et rendre hommage par une belle interprétation, des morceaux des autres. Ils joueront souvent le morceau pendant leurs concerts et Paul ne ratera pas une occasion de le chanter, au cours de sa longue carrière solo.
Un premier film pour le rock et Birthday
Autre fait rapporté dans le même ouvrage, en septembre 1968, alors qu’ils apprêtent à enregistrer Birthday, un des morceaux phare de l’Album Blanc, un assistant du studio prévient que la BBC diffuse un film culte : The Girl Can’t Help It, (La blonde et moi, en français) sorti en 1957. Cette histoire d’un producteur mafieux qui souhaite faire de sa fiancée une star de la musique (alors qu’elle chante complètement faux), est le prétexte à l’apparition de vedettes du rock naissant, au premier rang desquels Little Richard, mais aussi Fats Domino, Gene Vincent, Eddy Cochran, The Platters…
Les Beatles avancent l’heure de l’enregistrement à 17h00, ce qui est assez tôt pour eux… Puis ils vont voir le film chez Paul qui habite à cinq minutes du studio. Ils reviennent après le film et terminent l’enregistrement de Birthday dans la nuit. Une fois encore les voix de Paul et de John font des miracles, l’inspiration rock emmenée par la batterie de Ringo est magistrale, les guitares sont monumentales et le piano (Paul également) forcément inspiré par Little Richard. Un chef d’œuvre rock. Après avoir revu le film (ils s’étaient sans doute précipités sur les premières séances à Liverpool dix ans plus tôt), pouvait-il en être autrement ?
Quelques vidéos et la grande longévité d’un morceau en concert
A regarder sur les plateformes vidéos, un joli entretien entre Ronnie Wood (guitariste des Rolling Stones à partir de 1975) durant lequel Paul raconte quelques souvenirs avec Little Richard. En 1993, Paul dans une autre interview interpelle Little Richard : » Tu m’écoutes Richard, oui, c’est toi le roi ! »
Enfin, on trouvera une vidéo d’un concert des Beatles à l’Empire Pool de Liverpool en 1965, où ils interprètent une fois encore Long Tall Sally. Dans la carrière des Beatles en concert, ce n’est donc pas une de leurs compositions qui a eu la plus longue existence, mais ce morceau de Little Richard, qu’ils commencèrent à interpréter en 1957 et jusqu’à leur dernier concert à San Francisco en 1966.
C’est passionnant !
Merci Henri de ce compliment. Et à bientôt pour de nouvelles informations
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