AVANT CARLOS GHOSN, PAUL McCARTNEY A CONNU LES PRISONS JAPONAISES
Alors qu’en ce début d’année 2020, Carlos Ghosn fait l’actualité avec sa fuite rocambolesque du Japon et sa conférence de presse-plaidoyer, on se souvient que Paul McCartney a passé quelques jours dans les prisons japonaises en 1980. Retour sur cette mésaventure et sa conclusion pour le musicien
Mi-janvier 1980, Paul arrive au Japon avec sa femme Linda, leurs enfants et les musiciens de son groupe The Wings pour une série de concerts. Paul avait été interdit d’entrée au pays du Soleil Levant en 1973, du fait de poursuites pour détention de drogues. Cette interdiction levée, ses fans se réjouissent de la venue de l’ex-Beatle pour onze concerts dont les 100.000 billets ont été vendus en quelques heures.
L’équipe passe la douane, vient le tour de Paul à qui le douanier demande l’ouverture de sa valise. Découverte : entre ses habits, deux sachets de cannabis pour environ 200 grammes. Aux yeux des policiers qui l’isolent pour l’interroger aussitôt, les quantités présentes sont supérieures à des besoins pour sa consommation personnelle durant son séjour. Et aux yeux de la justice japonaise, une incarcération immédiate s’impose.
Le choc de la prison
Pendant ce temps, Linda, les enfants et les musiciens sont emmenés à l’hôtel Okura, celui où John Lennon et Yoko Ono avaient leurs habitudes. La suite présidentielle habituellement réservée aux Lennon est attribuée aux McCartney. Mais Paul McCartney va connaître une résidence moins luxueuse.
Emmené au quartier général de la police de Tokyo Paul subit des heures d’interrogatoires. Il signe une confession dans laquelle il reconnait que ce « chanvre indien » lui a été donné par des amis et qu’il est bien destiné à sa seule consommation personnelle. Mais la machine judiciaire est en marche (Carlos Ghosn connait…) et la libération sous caution n’existant pas à l’époque au Japon, l’individu doit être emprisonné pendant la durée de l’enquête. Paul part en détention provisoire dans le même bâtiment. L’auteur de la biographie de McCartney, Philip Norman (Editions Robert Laffont) raconte que Paul est délesté de ses effets personnels, y compris son alliance, et conduit dans une minuscule cellule munie d’une petite natte pour tout mobilier, passant une première nuit terrifié à l’idée qu’il allait sans doute être violé. Linda craignant pour sa part qu’il soit torturé… Dans l’imaginaire occidental, les Japonais sont sans pitié.
Le lendemain Paul subit un nouvel interrogatoire qui dure six heures, pendant que la télévision japonaise diffuse des images de lui, menottes aux poignets. En coulisses tout le monde s’active : le directeur général de sa société notamment organisatrice des concerts (tous annulés aussitôt), son avocat, frère de Linda, et un diplomate de l’ambassade britannique qui obtient un droit de visite et le trouve calme mais très soucieux pour Linda et les enfants.
Le lendemain nouvel interrogatoire, dans le bureau du procureur. Il apprend qu’il encourt une peine de sept ans de prison avec travaux forcés. Et que l’enquête doit durer dix jours pendant lesquels il doit rester derrière les barreaux, dans la sinistre prison de Kosuge qui accueille des criminels de tout acabit.
Le monde entier est stupéfié et comme pour Carlos Ghosn le traitement médiatique est considérable. Les humoristes ne sont pas en reste, l’un d’eux racontera que les valises de Paul avaient continué à planer longtemps après l’atterrissage.
De Toyota à Johnnie Walker
Peu à peu, Paul s’habitue aux conditions de détention qu’il considérait comme barbare. Ancien boyscout et frotté tôt à la vraie vie et ses difficultés, il décide de s’adapter. Philip Norman raconte que pour communiquer avec les autres détenus, dont aucun ne parle anglais, il se contente de lancer des noms de marque japonaises : « Toyota, Datsun, Kawasaki… », cela aurait plus à M. Ghosn. Avec humour ses compagnons lui renvoient des « Johnnie Walker… ! ». Plus tard un impressionnant Yazuka, membre de la mafia japonaise, reconnaissable à ses tatouages, lui lance : « Yesterday, please! ». Paul s’exécute et enchaine trois chansons a capella…
Devenu le boute en train de service, son régime s’adoucit, on peut lui apporter des couvertures et de la nourriture chaude.
Plus tard, Paul racontera ne pas avoir détesté cette expérience, il était revenu à un mode de vie des plus simples, ne subissant plus les contraintes de toutes sortes que sa vie et son statut lui imposaient et lorsqu’on lui proposa de prendre un bain à l’écart des autres détenus, il refusera ce régime de faveur et ira à la douche avec ses camarades de détention. Six jours après le début de son incarcération il pourra voir Linda une demie heure, qui lui apportera livres et sandwiches. Les musiciens de Wings repartent et Paul reçoit un message amical de George Harrison. Rien semble-t-il de ses autres ex-compères avec qui pourtant la période des fâcheries avait cédé la place à celle de la réconciliation.
Une nouvelle alliance
Dans l’ombre, le Foreign Office s’affaire et le gouvernement japonais en vient à admettre que le retentissement d’un procès contre un musicien aussi populaire et pour une affaire de quelques sachets de cannabis serait très négatif pour le Japon. Philip Norman explique que la justice abandonne les charges contre lui, considère que ses aveux constituent une preuve de repentance et les neuf jours passés en prison une punition sociale.
Au sortir de la prison, on lui rend ses effets personnels, à l’exception de son alliance. Paul ne s’en émeut pas et avec une humour très Beatles, il demande un trombone qu’il s’enroule autour du doigt pour partir comme il est entré.
Il quitte le Japon, mais cet incident contribuera à sonner le glas des Wings. Les musiciens que Paul avait intéressé financièrement aux concerts à venir (Japon mais aussi USA dont l’accès allait certainement devenir impossible pour Paul après cet épisode) doivent constater le fiasco financier.
Le jour où les Ailes se replient
Paul expliquera plus tard à Paul Du Noyer (Des mots qui vont très bien ensemble, Editions J’ai Lu) que finalement cet épisode ne devait pas tout au hasard : tout le monde avait été prévenu que les Japonais étaient très sourcilleux avec la drogue et qu’avec ses antécédents, il serait surveillé de près. Et lui mesurait que l’aventure des Wings touchait sans doute à sa fin : difficultés avec certains musiciens, envie d’être complètement libre comme il l’avait été tout de suite après la fin des Beatles et agacement face à l’éternelle comparaison du travail des Wings avec celui des Fab Four. Paul conclut : « Dès le début du groupe, j’attendais le jour où les Wings s’arrêteraient pour pouvoir dire : « Wings Folded »,les Ailes se sont repliées…
Carlos Ghosn dira-t-il un jour que finalement, las des affaires de son groupe, il y avait au fond de lui la volonté d’arrêter en se faisant arrêter ? Rien n’est moins sûr.
The show must Ghosn on!
Bravo Sylvie! Mon ami Olivier R. me proposait : « Ghosn with the Wings »