PHIL SPECTOR ET LES BEATLES
Alors qu’il l’espérait sûrement, le producteur décédé, inventeur du « Wall of Sound » n’aura pas apporté grand-chose aux Beatles
Alors que les Beatles étaient déjà séparés, John Lennon avait invité le créateur du « Mur de son » et producteur de nombreux groupes féminins américains à travailler sur l’album Let It Be (enregistré avant Abbey Road mais publié sept mois plus tard), en lui confiant à cet effet les bandes des enregistrements. Les apports de Phil Spector, plutôt inventif alors qu’il produisait les Ronettes (Be My Baby en 1963) furent insupportables à Paul McCartney qui se plaignit du sort fait à son Long and Winding Road, saturé de violons et de harpe, une guimauve loin de l’esprit Beatles. Phil Spector avait même ajouté des chœurs féminins sur certains titres de l’album, une hérésie aux yeux des Beatles, qui avaient eux-même toujours accordé beaucoup d’importance au travail sur les chœurs et dont les voix pouvaient monter suffisamment dans les aigües. Heureusement, une nouvelle version de l’album, Let It Be… Naked (Let It Be… Nu) sera publié sous l’égide de Paul en 2003, débarrassée de ses scories.
Sur l’inoubliable Instant Karma de Lennon, sorti avant l’annonce officielle de la séparation des Beatles et son imprégnant refrain : Well, we all Shine On, like the Moon, like the Stars and The Sun, (Nous brillons tous, comme la lune, les étoiles et le soleil), Spector avait voulu ajouter une piste orchestrale, à l’instar de ce qui avait fait son succès, son « mur de son ». Ayant composé et enregistré le morceau en deux jours, Lennon lui rétorqua qu’il trouvait le titre très bien en l’état, fin de l’épisode.
Spector réapparaitra quand même comme producteur de certains albums solo de Lennon et de George Harrison.
Une fin pitoyable
Spector continua sa carrière de producteur, on le retrouvera même aux côtés de Leonard Cohen pour un album, mais le chanteur fut interdit de studio pour la production et menacé de déguerpir par un Spector hystérique et le menaçant d’une arbalète.
La carrière de celui qui inspira dit-on, le personnage de Swan du film de Brian de Palma, Phantom of the Paradise oscilla ensuite entre projets avortés (notamment avec Céline Dion) et succès éphémères, sa bi-polarité ne facilitant pas ses relations avec son entourage. En 2011, il sera finalement condamné pour le meurtre d’une ancienne actrice de série B à 19 ans de prison qu’il effectuait lors de sa mort qualifiée de naturelle à l’âge de 81 ans.
On l’a compris, Spector n’apporta pas grand-chose aux Beatles, en tant que groupe. Au contraire, dans l’ambiance parfois délétère de leurs derniers mois d’existence, sa présence, ses ambitions, la haute estime dans laquelle il se tenait (il déclarait à son propos « on apprend pas la musique à Mozart« ), ne firent que renforcer les tensions. Reconnaissons que ses débuts créatifs apportèrent du sang neuf à la production musicale et que c’est à sa maladie, sans doute mal traitée, qu’il doit une vie pathétique.