FAUT-IL REBAPTISER PENNY LANE ?

FAUT-IL REBAPTISER PENNY LANE ?

18 juin, anniversaire de l’appel lancé par le Général de Gaulle depuis Londres en 1940, mais aussi,nos lecteurs peuvent-ils l’ignorer, celui de Paul McCartney né le 18 juin 42. Un anniversaire qu’assombrit la polémique autour du nom de Penny Lane, dont certains militants anti-racistes demandent le remplacement, James Penny, étant à leurs yeux une référence à un esclavagiste. Avant tout conduits par notre passion pour les Fab Four et leurs compositions, nous ne pouvons que rappeler ce qu’est ce sublime morceau. Mais nous n’esquiverons pas le sujet du nom de Penny Lane.

Ecriture, composition et retour aux studios

Nous sommes à la fin de l’année 1966 et la planète rock est encore chamboulée par Revolver, l’album sorti début août. Fin août, les Beatles joueront leur dernier concert à San Francisco. Bien décidés à renoncer aux concerts dans les stades pour cause de sonorisations impossibles et de hurlements fanatiques, et convaincus de l’intérêt du travail effectué en studio avec Revolver, ils décident de se consacrer aux enregistrements. Plus de concerts à assurer, voilà qui va leur laisser du temps pour peaufiner leur œuvre, tout en accélérant la production.

A l’été 1966, sort un Single avec PaperBack Writer et Rain, bourrés d’inventions musicales et dont les paroles ont abandonné les petites histoires d’amour adolescentes.

Fin 1966, donc John et Paul arrivent avec deux titres qui jouent sur le registre de leur enfance à Liverpool : Strawberry Fields Forever et Penny Lane.

Les quatre Beatles enfants : parmi les innombrables pochettes qui ont accompagné la sortie du single, une des plus touchantes

Strawberry Fields Forever, John en arrêt devant l’orphelinat

Strawberry Field est le nom d’une sinistre maison gothique, transformée en orphelinat de jeunes filles toute proche de la maison où vivait John enfant et où ses pas le menaient souvent. Pour Philip Norman, auteur d’une complète biographie de Lennon, John devait se sentir une certaine affinité avec ces enfants encore plus malheureux que lui. Strawberry Fields (John a tenu à rajouter un s pour augmenter l’impression d’espace de ces champs) est chanté pour la première fois par Lennon à George Martin, leur producteur qui se rend compte qu’il tient là un bijou. Une chanson triste qui évoque en quelques lignes un enfant solitaire (No one is in my tree […] it’s getting hard to be someone […] but it doens’t matter to me […]Nothing is real… ) A 26 ans Lennon peut être fier des paroles, dont il dira plus tard qu’avec « Help ! », ce sont les seules qui reflètent vraiment qui il est. Une douce mélodie porte le texte, mais la composition musicale est d’une richesse et d’une complexité totalement nouvelles. C’est une chanson de John, mais chaque membre de l’équipe donne le maximum pour en faire un des chefs d’œuvre des Beatles.

Penny Lane, Paul parcourt Liverpool pour rejoindre John

Penny Lane sera donc sur le même registre, une forme de réponse à Strawberry Fields Forever. La rue et le quartier éponymes sont davantage proches du domicile de John, mais Paul s’y rendait souvent. Il arrive en studio avec deux couplets et John l’aide pour le suivant. A l’arrivée, des paroles sacrément bien troussée pour un jeune homme de 24 ans, mais Paul et les Beatles ont eu très tôt un regard aussi tendre que mature sur les moments difficiles de leur enfance. Mais Paul plus que John, a su en mesurer aussi la douceur et la gaité. Tout le monde a retenu « In Penny Lane there is a barber showing photographs”, “Penny Lane is in my ears and in my eyes” comme The Blue Surburban skies, « les cieux bleus de la banlieue » ou ce pompier surréaliste avec un sablier et un portrait de la reine dans la poche.

Comme pour Strawberry Fields Forever, derrière une mélodie simple, qui s’apparente aux chansons populaires de son enfance, Paul avec l’aide de ses compères et de George Martin amènera les Beatles à un haut niveau de complexité musicale. Les instruments s’ajoutent et s’imbriquent à la perfection. Comme toujours la ligne de basse de Paul structure le morceau qui voit s’agglomérer trois pianos, des trompettes, des hautbois, des cors anglais, une contrebasse jouée à l’archet et de multiples percussions. Trois semaines d’un travail intense, ce qui est beaucoup pour les Beatles, viendront à bout des exigences de chacun avec pour résultat, comme avec Strawberry Fields, l’une des chansons les plus populaires des Beatles. Les Beatles sont bel et bien sur la voie de Sgt Pepper, futur choc musical. Alors que faut-il faire aujourd’hui de la polémique autour du nom de Penny Lane ?

Faut-il changer le nom de Penny Lane ?

Même si Wikipedia n’a pas publié de notice au sujet de James Penny, son histoire d’esclavagiste et de farouche opposant aux lois antiabolitionnistes semble vraisemblable, si l’on en croit la mention qu’en font Jean-Michel Guesdon et Philippe Margottin dans leur analyse de Penny Lane, au sein de leur incontournable « Les Beatles La Totale » (Chêne E/P/A éditions). La question reste néanmoins posée de savoir si c’est par référence à son nom que la rue a été nommée ainsi. D’ailleurs, selon certaines sources, l’esclavagiste s’appellerait James Penney.

Un communiqué de la ville indique qu’une enquête sera menée pour savoir ce qu’il en est. Mais le maire (travailliste) de Liverpool, Joe Anderson rappelle dans un tweet que toute décision de modification d’un nom de rue appartient au conseil municipal et déclare : « Comme maire de la ville, laissez-moi être clair : le nom de Penny Lane ne sera pas changé […] nous n’éradiquerons pas notre passé, mais nous informerons le présent ».

Soulignons que par cette volonté, les militants anti-racistes ont donné une belle célébrité à ce James Penny, si c’est bien à lui que la fameuse voie fait référence, là où pour le monde entier Penny Lane est simplement une belle chanson des Beatles.

Quelques idées…

Bien des solutions s’offrent à la ville de Liverpool, au cas où il serait avéré que la rue doive bien son nom à James Penny.

Qu’il soit permis d’en souffler ici quelques-unes.

  1. Laisser les choses en l’état en s’appuyant sur le soutien d’une partie importante (majoritaire ?) de la ville qui considère que le passé est le passé et que les Beatles en célébrant la géographie de Liverpool ont participé à l’éclat de la ville depuis les années 70. Imaginer Liverpool sans Penny Lane ou Strawberry fields, c’est penser Paris sans l’Eiffel Tower ou San Francisco sans le Golden Gate Bridge.
  2. Maintenir le nom mais adjoindre à chaque panneau portant le nom de Penny Lane un rappel historique qui montre le chemin parcouru depuis cette époque, car pas plus que les Français, les Britanniques ne sont racistes. On pourrait aussi souligner que James Penny s’était probablement retourné dans sa tombe lorsque les militants de la paix qu’étaient les Beatles avaient fait de son nom une belle chanson.
  3. Changer le nom de la rue, ce qui serait triste et ne pourrait être compensé que par le seul patronyme qui convienne : Beatles Lane, puisqu’il semble que dans leur ville natale, aucune rue ne porte leur nom.

Que les lecteurs de ce post n’hésitent pas à commenter et faire leurs propres propositions. Et qu’ils n’oublient pas de souhaiter un très bel anniversaire à Sir Paul, 78 ans aujourd’hui.